"Cobra Kai" : pourquoi cette formidable série fracasse tout sur son passage

Publié le 22 janvier 2021 à 17h54

Source : Sujet TF1 Info

ON AIME – Que sont devenus les héros de "Karaté Kid", plus de trente-cinq ans après le succès du premier film ? Diffusée sur Netflix, la série "Cobra Kai" y répond de manière aussi émouvante qu’astucieuse en organisant la confrontation entre les ennemis jurés d’antan et une nouvelle génération qui ne demande qu’à en découdre.

Si la nostalgie est un business comme les autres, à la télé comme ailleurs, rien n’empêcher de la raviver avec conviction. Et d’y mettre du cœur, à l’image des créateurs de Cobra Kai, cette série qui ressuscite les personnages de Karaté Kid, l’un des grands succès cinéma de l’année 1984. Sollicité par la Columbia après le triomphe de Rocky, qui lui avait valu l’Oscar du meilleur réalisateur, John G. Avildsen mettait en scène Daniel LaRusso, un gamin du New Jersey qui débarquait en Californie avec sa mère célibataire. Harcelé par les brutes du lycée, l’ado trouvait un allié inattendu en la personne de Monsieur Myagi, un voisin d’origine japonaise qui allait lui enseigner le karaté. 

 

Après trois suites inégales et un remake discutable, la franchise semblait être arrivée en bout de course. Jusqu’au jour où les scénaristes Josh Heald, Jon Hurwitz et Hayden Schlossenberg, fans absolus du premier film, cognent à la porte du studio. Leur idée est simple : qu’est devenu Johnny Lawrence, le bad boy peroxydé du dojo Cobra Kai dont Daniel triomphait en finale du tournoi de All-Valley ? À l’image de son personnage, délaissé par la suite, l’acteur William Zabka a disparu des radars au fil des années. C’est ce loser magnifique qui est la pierre angulaire de Cobra Kai, lancée dans un premier temps sur la chaîne Youtube Premium en 2018 avant que Netflix prenne le relais pour une troisième saison lancée le 1er janvier dernier. 

Une séduisante inversion des rôles

Dans le premier épisode de la saison 1, on découvre un Johnny au bout du rouleau, réveillé à la bière tiède dans un appartement miteux du quartier de Reseda, à Los Angeles. Célibataire, il n’a jamais vu grandir son fils Robby, désormais adolescent, et cumule les petits boulots de maintenance dans les belles villas du coin pour payer les factures. Rien à voir avec Daniel LaRusso, son vieux rival, devenu bon père de famille et concessionnaire automobile, usant de sa notoriété d’antan pour appâter les clients. Leurs retrouvailles, suite à un accident de voiture causé par la fille de Daniel et ses copines, va réveiller le passé. Et les blessures qui vont avec.

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Ralph Macchio, qui fut de la bande d’Oustiders, le film culte de Francis Ford Coppola en 1983, avec Tom Cruise et Matt Dillon, n’est jamais parvenu à se défaire du personnage de Daniel LaRusso. En dépit de quelques rôles remarqués dans Crossroads de Walter Hill ou Mon cousin Vinnie de Jonathan Lynn, il est devenu à 59 ans un acteur de seconde zone, après avoir tutoyé les sommets. Avec William Zabka, ils s'étaient déjà retrouvés dans un épisode de la sitcom How I Met Your Mother en 2013. Et c’est avec un plaisir évident, et un brin de mélancolie dans le regard, qu’il lui donne à nouveau la réplique. Mais si Cobra Kai regorge de référence aux années 1980, à commencer par l’utilisation habile d’images du premier film, l’histoire n’est plus tout à fait la même. 

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Délaissant la dimension manichéenne du film de John G. Avildsen, la série s’emploie à déconstruire chaque personnage en explorant ses failles. Héros sensible qui faisait battre les cœurs, Daniel est devenu une caricature de l’American Way of Life dont la réussite a gommé tout esprit de rébellion et de fantaisie. Johnny, en revanche, est resté enfermé dans ses souvenirs - sa playlist dopée au hair metal en témoigne - et un désir de revanche qu’il n’a jamais assouvi. Jusqu’à sa rencontre avec Miguel (Xolo Mariduena), un jeune voisin latino qu’il va prendre sous son aile en lui apprenant le karaté à sa manière. C'est-à-dire à la dure.

Le portrait de la jeunesse actuelle

C’est l’autre point fort de Cobra Kai. Passé la réunion d’anciens combattants, la série se focalise sur une nouvelle génération de personnages qui brosse le portrait de la jeunesse américaine actuelle. Le combat pour la diversité et le respect des minorités notamment. Mais aussi le harcèlement scolaire auquel Johnny propose de répondre par la pratique des arts martiaux. C’est délicieusement ironique de la part de celui qui brutalisait le héros de Karaté Kid. Mais c’est très vite inquiétant lorsqu’il s’aperçoit que certains élèves se servent de cet art martial pour exprimer leurs pulsions les plus sombres. Là encore la série refuse de tracer une ligne entre le bien et le mal, renvoyant le spectateur à ses propres contradictions. 

 

Au-dessus de cette arène façon soap opera plane le fantôme du regretté "Myagi San" dont Daniel défend l’approche spirituelle du karaté. Face à une jeunesse gavée de téléréalité et de jeux vidéo, le message a du mal à passer au début de la série. Si on se doute bien qu’elle finira par triompher, d’une manière ou d’une autre, c’est l’occasion pour les scénaristes de rendre hommage à l’acteur Pat Morita sans qui la saga n’existerait pas. Nommé à l’Oscar du meilleur second rôle, cet acteur devenu célèbre sur le tard est décédé en 2005 à l’âge de 73 ans. Paix à son âme de sensei


Jérôme VERMELIN

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